Le mot travail vient du latin trepalium qui désignait un instrument de torture (plus précisément, trois pieux auxquels on attachait les esclaves pour les punir). Jusqu’au Moyen-Âge, travailler signifie « tourmenter, torturer », qu’il s’agisse d’une torture physique ou d’une torture morale. A cette époque, il existe deux autres mots désignant le travail tel qu’on le connaît aujourd’hui : le labor (labeur), qui désigne un travail pénible donné en punition ou la peine qu’on éprouve au travail, et l’opus (l’ouvrage), qui désigne la création, le travail naturel. Avec l’opus, le travail n’est plus une torture mais quelque chose de plaisant. Peu à peu, les mots labeur et ouvrage ont perdu en popularité et le travail les a remplacés tous les deux. Aujourd’hui le travail n’est plus nécessairement une torture : de plus en plus, on se met à travailler par passion et non par devoir, transformant ainsi la torture en plaisir. Si le travail par passion est le moyen de supprimer la torture de sa vie, serait-ce la clé du bonheur ?
Un faux travail ?
Quand on commence à travailler et vivre de sa passion, l’un des premiers écueils auxquels on se confronte est celui-ci : si l’on travaille par passion, travaille-t-on vraiment ? Cette question est rhétorique, évidemment que le travail effectué par passion est du travail, avec le même lot de doutes, de fatigue, d’échecs et de frustrations que n’importe quel métier. En parlant de frustration, les personnes qui ont fait de leur passion leur métier voient trop souvent leurs efforts dévalués. En effet, il n’est pas rare que des clients utilisent l’argument de la passion pour refuser de payer leurs prestataires, ou de les payer moins cher. Cela se voit souvent dans les métiers artistiques, chez les graphistes par exemple, qui doivent régulièrement batailler pour faire valoir leurs prix.
Faire la part des choses
Si les clients oublient parfois que le métier-passion reste un travail, il arrive aussi que les travailleurs l’oublient également. Il est facile de se laisser déborder et d’enchaîner les heures de travail sans compter quand on aime ce que l’on fait. Malheureusement, faire cela revient à nuire à notre santé, il faut savoir faire des pauses ! D’autant plus qu’à trop travailler, on risque de ne plus distinguer le travail du divertissement et s’écœurer ainsi de l’activité qu’on aimait tant. Il est essentiel de bien s’organiser et de séparer clairement les temps de travail des temps de détente, sinon la passion devient un piège et non plus une source de bonheur.
D’autres sources d’épanouissements
Après avoir vu les risques liés au fait de travailler par passion, il est important de rappeler que l’amour placé dans notre activité n’est pas la seule manière de s’épanouir au travail. Il existe mille raisons d’être heureux d’exercer son métier : nous travaillons avec des collègues que nous apprécions et qui ensoleillent nos journées, nous travaillons pour une entreprise ayant des valeurs proches des nôtres, nous travaillons pour une cause qui nous comble, nous travaillons pour répondre aux besoins de notre famille et la rendre heureuse… Plusieurs choses peuvent donner du sens à notre métier et faire que l’on s’y sent bien. Finalement ce qui compte n’est pas toujours ce que l’on fait, mais pourquoi on le fait, et comment. Cela ne veut pas dire qu’il est toujours facile d’être heureux au travail et que ceux qui ne le sont pas n’ont pas essayé suffisamment fort. En revanche, si cela est possible, il est toujours recommandé de quitter un emploi qui nous rend malheureux.
Au vu des complications encourues, n’est-il donc pas plus simple de séparer distinctement la passion du travail ? Eh bien, pas nécessairement. Il faut savoir la doser et ne pas se laisser emporter par sa passion, mais n’oublions pas qu’elle peut être un excellent moteur, une source intarissable de motivation et de satisfaction pour certains – tout comme elle peut être un piège pour d’autres. Rappelons tout de même que, comme nous l’avons vu dans notre article Peut-on travailler sans passion ?, travailler par passion est un privilège, et ceux qui n’ont pas ce privilège ne sont pas condamnés au malheur pour autant.